BIG JON ATKINSON AND BOB CORRITORE: House Party at Big Jon's (2016)

La vie est souvent faite de hauts et de bas. Certains jours, tout semble aller mal et on croit que l’on ne va pas s’en sortir. D’autres fois, tout va bien mais on a du mal à exprimer sa joie. Que faire ? Pour ma part, dans les deux cas, je réécoute les albums qui ont fait vibrer ma jeunesse. Chuck Berry, Bo Diddley, Muddy Waters et bien d’autres. Des voix suaves ou autoritaires. Une phrase de guitare qui claque comme un coup de flingue. Un harmonica qui vrille les silences entre chaque couplet. Une batterie hypnotique. Des tonnes de reverb'. Un son ! Le son Chess ! Et des images de la ville mythique de Chicago dans les années cinquante. L’éclatement du Chicago blues et les premiers pas balbutiants du rock'n’roll. L’époque où la musique explosait malgré les barrières sociales érigées par les citoyens bien-pensants et où la radio régnait en maître. Oui, que ça aille bien ou mal, je réécoute mes vieux disques, vestiges d’une période que je n’ai pas connue mais qui ont marqué mes jeunes années. Et la musique est toujours gagnante. Mais là, tout à coup, une grosse claque ! Pas besoin d’aller fouiller dans mes archives musicales situées au troisième sous-sol. Pour chasser le cafard et faire swinguer le quotidien, il suffit d’écouter la dernière galette cuisinée par le guitariste Big Jon Atkinson et l’harmoniciste Bob Corritore avec l’aide d’une foule d’invités. Ces deux gaillards ont réussi à recréer l’ambiance et le son des Studios Chess tout en proposant de nombreux titres inédits de leur composition. La guitare de Big Jon sonne on ne peut plus fifties et l’harmonica de Bob est impressionnant de feeling. Avec des morceaux comme « Going Back To Tennessee » (un swing/rhythm'n’blues), “It Wasn’t Easy” (un blues lent dans la lignée des grands maîtres de Chicago) ou « Mojo In My Bread » (un blues lancinant à la John Lee Hooker avec Tomcat Courtney à la guitare et au chant), on n’est pas déçu. On est aussi charmé par quelques blues rapides et swinguants qui ramènent aux racines du rock'n’roll : « She’s My Crazy Little Baby », « Empty Bedroom », « Mojo Hand » (avec une guitare puisant dans le répertoire de Charlie Christian et de Chuck Berry et Alabama Mike au chant) et « Mississippi Plow » (qui rappelle « Got My Mojo Working » interprété par Muddy Waters). Une excellente mention également à « Mad About It » (un bon rock'n’roll avec une rythmique proche de « Maybellene » de Chuck Berry, un harmonica incisif et une guitare slide) et à « You Want Me To Trust You » (un Chicago blues à la Muddy Waters). Pour finir, trois autres morceaux retiennent l’attention : « El Centro » (un instrumental au style cha-cha-cha ou mambo avec une guitare à la Dick Dale et un harmonica jouissif), « I’m A King Bee » (un Chicago blues rythmé) et « Somebody Done Changed The Lock Of My Door » (un blues lent avec une slide tranchante et la superbe voix d’Alabama Mike). Oui, la vie est souvent faite de hauts et de bas. Comptez sur cet excellent disque pour tout remettre à niveau. Plus qu’un album de blues, un vrai bain de jouvence !

Olivier Aubry